Hier, lorsque l’Ambassadeur du Rwanda auprès des Nations Unies, Martin Ngoga, s’est adressé au Conseil de sécurité au sujet de la situation en République démocratique du Congo (RDC), ses paroles ont rompu avec le langage diplomatique habituel.
Il a rappelé au Conseil que la paix dans la région des Grands Lacs ne viendra pas de résolutions cosmétiques ou de déclarations creuses, mais d’un traitement réel des causes profondes de la violence : le recours à des mercenaires par le président Tshisekedi, la persistance de milices génocidaires comme les FDLR, et le poison des discours de haine qui alimentent la persécution ethnique. Or, ce sont précisément ces vérités que l’ONU choisit systématiquement d’ignorer.
Depuis des décennies, l’Est de la RDC est le cimetière des initiatives internationales. Les résolutions de l’ONU s’accumulent, les missions de maintien de la paix engloutissent des milliards de dollars, et pourtant la région reste ensanglantée. Au cœur de cet échec se trouve le refus d’affronter les réalités gênantes que l’Ambassadeur Ngoga a mises en lumière.
Le silence sur les mercenaires
L’hypocrisie la plus flagrante réside peut-être dans le silence de l’ONU concernant le recrutement de mercenaires par le président Félix Tshisekedi. L’Ambassadeur a rappelé que l’usage de mercenaires est interdit par le droit international, condamné par des résolutions de l’Union africaine, et mentionné dans plusieurs résolutions du Conseil de sécurité. Pourtant, dans la pratique, Tshisekedi a pu importer des combattants étrangers- anciens soldats colombiens et autres contractants obscurs sans que l’ONU ne lève le moindre doigt.
Cette cécité sélective n’est pas une simple négligence, c’est une complicité. Comment le Conseil peut-il prétendre soutenir la paix tout en fermant les yeux sur la présence de soldats de fortune qui déstabilisent une région déjà fragile ? Pour le Rwanda, dont les frontières se trouvent à quelques kilomètres seulement des expériences guerrières de Tshisekedi, ce n’est pas un problème théorique: chaque mercenaire déployé à Kisangani ou Goma représente une menace directe pour la sécurité régionale.
Les discours de haine : une leçon non retenue
Tout aussi inquiétant est le traitement timoré des discours de haine. Ngoga a souligné que l’incitation ethnique n’est pas un détail de la crise congolaise : c’est une bombe à retardement. Dans les écoles, les églises et sur les réseaux sociaux, les Congolais sont conditionnés à croire que leurs compatriotes Tutsi sont des étrangers, des traîtres et des cibles à éliminer. Des commandants militaires lancent ouvertement des ultimatums pour que des communautés entières quittent leurs terres ancestrales.
Ce n’est pas une simple rhétorique ; c’est la même idéologie génocidaire qui a conduit au génocide contre les Tutsi en 1994 au Rwanda. Et pourtant, comme l’a rappelé Ngoga, les rapports de l’ONU réduisent cette menace existentielle à une mention fugace dans un seul paragraphe. Le Conseil de sécurité, si prompt à condamner le discours de haine ailleurs, reste étrangement silencieux lorsque les victimes sont des communautés Tutsies du Congo.
L’hypocrisie est criante : l’ONU, organisation née des cendres de l’Holocauste pour empêcher de nouveaux génocides, se dérobe aujourd’hui devant une propagande génocidaire qu’elle constate sous ses yeux.
MONUSCO et la question des FDLR
Encore plus accablante est la relation entre la MONUSCO, mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC, et l’armée congolaise (FARDC). Comme l’a rappelé l’Ambassadeur, les FARDC collaborent ouvertement avec les FDLR une milice composée des mêmes génocidaires qui ont massacré plus d’un million de Rwandais en 1994. Depuis 31 ans, les FDLR restent armés, organisés et animés de leur idéologie génocidaire, et pourtant l’ONU les traite comme un simple « groupe armé ».
Au lieu de les démanteler, la MONUSCO s’accommode de leur présence. Les casques bleus évitent simplement les unités où les FDLR sont intégrés, légitimant de facto leur rôle au sein de l’armée congolaise. Ce n’est pas de la neutralité ; c’est de la complicité.
Comment l’ONU peut-elle concilier sa mission proclamée du « plus jamais ça » avec une alliance de fait avec des génocidaires ? Pour le Rwanda, qui a subi 21 attaques transfrontalières des FDLR depuis 1994, ce double standard n’est pas seulement une hypocrisie c’est une menace existentielle.
Le bouc émissaire commode
Pendant ce temps, la communauté internationale continue de diaboliser le M23, un groupe rebelle congolais composé en grande partie de Tutsis congolais. Ils sont présentés comme la source unique de l’instabilité, tandis que le triangle bien plus dangereux FARDC–FDLR–mercenaires est occulté. Ce récit arrange le gouvernement congolais, qui détourne ainsi l’attention de ses propres échecs en accusant le Rwanda et le M23 de chaque crise. Malheureusement, l’ONU reprend trop souvent cette ligne, préférant l’opportunisme politique à la vérité.
Un dangereux précédent
L’intervention de Ngoga a mis en lumière un problème plus profond : la morale sélective de l’ONU. Le discours de haine est condamné en Europe mais toléré au Congo. Les mercenaires provoquent des scandales au Moyen-Orient mais sont ignorés en Afrique centrale. Les partenariats avec des génocidaires sont impensables ailleurs, mais en RDC ils sont excusés comme de simples « nécessités opérationnelles ».
Ce double standard mine la crédibilité des Nations Unies et risque de perpétuer les cycles de violence. Si le Conseil de sécurité ne peut pas dénoncer les mercenaires, sanctionner le discours de haine et démanteler les FDLR, quel message envoie-t-il ? Que certaines vies valent plus que d’autres ? Que la prévention des génocides est une option géographique ?
La position du Rwanda
L’Ambassadeur Ngoga a été clair : le Rwanda ne compromettra pas sa sécurité et ne répétera pas les erreurs de 1994, lorsque les acteurs internationaux demandaient aux Rwandais de faire confiance à des promesses vides alors qu’ils faisaient face à l’extermination. « Cela n’arrivera plus jamais », a-t-il conclu.
Le message est sans ambiguïté. Le Rwanda se défendra, même si le Conseil de sécurité préfère le silence à la vérité.
La crise dans l’Est de la RDC n’est pas insoluble. L’Accord de Washington et le processus de Doha, s’ils sont appliqués sincèrement, offrent une voie vers la paix. Mais ces efforts s’effondreront si l’ONU continue d’ignorer les causes profondes de l’insécurité. Les mercenaires doivent être expulsés, le discours de haine condamné et sanctionné, et les FDLR démantelés – non pas tolérés.
Jusque-là, chaque résolution, chaque rapport, chaque déclaration du Conseil de sécurité restera un nouvel exercice d’hypocrisie. Le Rwanda a dit la vérité à New York. La question est de savoir si l’ONU aura le courage de l’entendre.